Lyon, "capitale de la résistance Française"
- Mathieu Féral
- 19 avr.
- 5 min de lecture
« Capitale des Gaules », « capitale de la gastronomie » et plus récemment « capitale de la Résistance », Lyon serait-elle complexée de n'être que la troisième ville de France ? Ça m'étonnerai ! Pour ce qui est de la gastronomie, il suffit de se promener dans la ville pour constater l'influence des bouchons, de Paul Bocuse et du travail des Mères lyonnaises sur l'ambiance globale de la ville. Vous ne passerez pas à côté non plus des vestiges de l'Empire romain sur la colline de Fourvière ou encore dans les pentes de la Croix-Rousse, notamment l'amphithéâtre des trois Gaules où se réunissaient régulièrement les représentants des tribus gauloises. Et la Résistance alors ? Certes il est difficile de ne pas remarquer la multitude de plaques commémorant ces femmes et ces hommes qui se sont opposés au régime de Vichy et à l'Allemagne nazie. Ces lieux de mémoire sont de plus en plus nombreux, comme en témoigne la dernière plaque commémorative en date qui a été posée le 19 mars 2024 en l'honneur de l'engagement de Marguerite Rozier au 18 rue Imbert Colomes dans le premier arrondissement (juste à côté de chez nous !).
Mais alors d'où vient ce surnom de « capitale de la Résistance » ? Et pourquoi Lyon ?
1) La reconnaissance de De Gaulle
« Capitale de la Résistance française » : c'est ainsi que le général de Gaulle qualifie la ville de Lyon le 14 septembre 1944, onze jours après sa libération, sur la place des Terreaux.

« Comment dire à Lyon toute l’émotion, toute la gratitude que je ressens dans cette capitale gauloise qui fut ensuite la capitale de la Résistance française et qui est aujourd’hui une très grande ville de notre France couverte de blessures, éclatante dans son honneur et emportée par son espérance ».
Mais alors, tous les Lyonnais ont été Résistants ? Lyon était-elle le théâtre d'une guérilla urbaine entre les Résistants et les Allemands pendant toute l'occupation ? Certainement pas. Comme toutes les villes françaises, Lyon a également eu son lot de citoyens qui ont collaboré dans le cadre de la milice ou de l'administration. Notons aussi qu'un grand nombre de Lyonnais passent la plupart de leurs journées à lutter, certes, mais contre la pauvreté et le rationnement et ne s'engagent dans aucun des camps. Cependant, De Gaulle n'invente pas tout afin de mettre en avant son combat : il se base sur des éléments concrets et factuels.
2) Une position géographique favorable

Depuis 1940, la France est divisée. La zone au nord de la ligne de démarcation est occupée par l'armée et l'administration allemande. La zone sud, à laquelle appartient Lyon, est administrée par le gouvernement de Vichy qui collabore avec le troisième Reich. La ville de Lyon est proche de cette frontière interne (moins de 100km de Montceau les Mines), ce qui en fait le refuge d'un grand nombre de personnes fuyant la zone occupée, futures potentielles recrues des organisations de résistances. La proximité des frontières avec la Suisse et l'Italie et le réseau routier et ferroviaire conséquent de la ville et ses alentours en font également un nœud de communication pratique pour faire circuler les informations et les individus ou créer des filières d'exfiltrations.
3) Une multitude de mouvements de résistances
Cette position géographique favorable couplée au grand nombre d'habitants va permettre à de nombreux mouvements de résistances de se créer à Lyon parmi lesquels les trois principaux groupes de la zone non-occupée :
- Libération créé par Emmanuel d'Astier de la Vigerie qui rassemble des anciens membres du Front populaire, de syndicats tels que la CGT ou la CFTC et d'autres militants de gauche comme les époux Samuel (plus connus sous le pseudonyme Aubrac).
- Combat créé par Henri Frenay et Berthy Albrecht qui souhaitent avant tout informer et effectuer des actions de propagande en opposition au régime de Vichy avant d'élargir leur mouvement en y intégrant d'autres organisations de résistance.
-Franc-Tireur créé par Antoine Avanin, catholique de gauche, qui rassemble des radicaux ou des sans partis.

Ces mouvements s'opposent au régime de Vichy et à l'occupation allemande de la zone nord. Ils commencent par éditer des tracts, puis des journaux, recrutant de nouveaux membres, traversant la ville à pied et à vélo et usant parfois de leurs connaissances des traboules. La ville de Lyon a, à cette époque, la particularité de ne pas avoir de concierge, ce qui facilite la création de boîtes aux lettres factices et évite d’éventuels témoins des nombreux allers et venues. Lorsqu’en novembre 1942 l'armée allemande occupe la zone sud, ces groupes sont organisés depuis plus de deux ans, suffisamment pour organiser des actions armées contre l'occupant.
4) Jean Moulin est dans la place

Si je vous demande de me donner le nom d'un Résistant célèbre, vous allez sûrement me citer Jean Moulin (si ce n'est pas le cas, vous y avez sûrement pensé. Si vous ne savez pas qui est Jean Moulin… c’est votre prof d’Histoire-géo n’était peut être pas assez captivant). Jean Moulin est le délégué civil et militaire du général de Gaulle (tiens tiens tiens… le revoilà) en zone sud : son représentant en somme. Il est envoyé à Lyon et a pour mission de réunir les différents mouvements de Résistance sous l'autorité du général en contrepartie d'un soutien financier. Et ça va marcher (même si des tensions subsistent). En janvier 1943 sont créés les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) comprenant Libération, Combat et Franc-Tireur qui intégreront quelques mois plus tard des organisations de Résistance de l'ancienne zone nord devenant ainsi le Mouvement de Libération Nationale (MLN). Jean Moulin créera également le Conseil National de la Résistance (CNR) qui comprend également les mouvements de Résistance communistes.
Il est arrêté par la Gestapo le 21 juin à Caluire, ville limitrophe de Lyon, en même temps que d'autres Résistants et décédera, certainement des suites des blessures causées par les interrogatoires menés par Klauss Barbie, lors de son transfert en Allemagne.
Aujourd'hui de nombreux hommages lui sont rendus à Lyon. Il est présent sous forme de statues, de fresques, de collages et son nom est omniprésent : le quai Jean Moulin , l'Université Jean Moulin, le collège Jean Moulin, le mémorial Jean Moulin, le quartier Jean Moulin-Marius Berliet dans le 8e arrondissement, le restaurant “Le Jean Moulin” dans le 6e arrondissement et même le “Pizza Kebab Tacos Jean Moulin” sur le cour Gambetta.
Alors oui, le général de Gaulle donne le surnom de « capitale de la Résistance française » à la ville de Lyon car de nombreux mouvements de Résistance à dimensions régionales ou nationales y étaient basés et y ont effectué de nombreuses actions violentes ou de propagandes, même s'il est difficile de dire s'il y en a eu plus que dans d'autres villes. Cependant, notre chauvinisme réputé ne doit pas nous faire perdre de vue que si De Gaulle a accordé ce titre à notre ville c'est également pour mettre en avant son action politique d'unification de ces groupes sous son autorité.
Bibliographie
1. Une plaque pour honorer la mémoire de la résistante Marguerite Lozier, Le Progrès, 20/03/2024 https://www.leprogres.fr/societe/2024/03/20/une-plaque-pour-honorer-la-memoire-de-la-resistante-marguerite-lozier
2. De Gaulle: les traces laissées à Lyon et dans nos départements, Le Progrès 08/11/2020
3. Lyon sous l’occupation, lieux de résistance et de collaboration, Tribune de Lyon, 05/03/2012 https://tribunedelyon.fr/societe/lyon-sous-loccupation-lieux-de-resistance-et-de-collaboration/
4. Exposition “Les jours sans”, Centre Historique de la Résistance et de la Déportation https://www.chrd.lyon.fr/musee/exposition-les-jours-sans/introduction
5. Presse clandestine : journal “Libération”, CHRD, https://www.chrd.lyon.fr/musee/collections/presse-clandestine-journal-liberation
6. France 3, Les résistances : Le journal “Combat”, http://lesresistances.france3.fr/documentaire-pcb/le-journal-combat
7. Musée de la résistance en ligne, Journal Le franc-tireur décembre 1941 https://museedelaresistanceenligne.org/media9944-Journal-i-Le-Franc-Tireur-i-dcembre-1941
8. France culture, Lyon dans la guerre : Dans les traboules, la résistance s’organise, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/lyon-dans-la-guerre-dans-les-traboules-la-resistance-s-organise-9825905
9. Rendez vous de mémoire, Jean Moulin et le Conseil national de la résistance, ministère des armées, https://www.youtube.com/watch?v=OPpKlaRtS4g
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